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LA NOUVELLE ÉQUIPE

si tu n’étais pas rentré. Ne crois-tu pas que nous ferions bien de rentrer chez nous ?

— Mais c’est ma pensée ; et nous sommes revenus Léon et moi, pour vous remmener. Nous avons à réfléchir, examiner la situation, prendre une décision.

— Vous ne l’avez pas prise encore ?

— Oui et non. Nous connaissons notre devoir de citoyens ; mais nous sommes aussi des hommes. La guerre qui se présente à nous nous semble absurde et nous paraît évitable. Si nos gouvernants nous entraînent hors des limites de la raison et du bon sens, il faudrait peut-être leur signifier que nous ne les suivrons pas. Qui sait si une attitude ferme ne les ferait pas réfléchir ?

— Mais tu disais que la mobilisation était décidée.

— On le disait, en effet, sous le manteau, dans les couloirs de la Chambre. Pourtant ce n’était pas officiel encore. Il est possible que la crainte des troubles suscités par l’assassinat de Jaurès incline le gouvernement vers la prudence. Deux jours seulement permettraient d’intervenir.

Jeanne ne répondit pas. Elle entrevoyait l’horreur. Maurice s’approcha d’elle, l’attira sur sa poitrine.

— Ma chère femme, nous vivons des heures graves. Gardons, si nous le pouvons, un cerveau lucide. Demain nous regagnerons Ville-d’Avray. Mais en attendant essayons de prendre un peu de repos.

— Oui, dit-elle. Je me sens à présent brisée et sans forces.

— Eh bien, il faut tâcher de dormir, car, de la force, il va nous en falloir peut-être beaucoup.


III


Après quelques heures de repos, Maurice Bournef, sans éveiller sa femme, descendit rejoindre son frère.