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LA NOUVELLE ÉQUIPE

Jeanne Bournef s’approcha de sa fille, posa sa main sur son épaule.

— Tu as raison d’évoquer Émile Pagnanon, ma chère enfant. Sur cette route de la Paix, dont nous sentons chaque jour les assises se consolider, il a été un précurseur.

— Et un martyr, chère maman.

Alexandre Didier sentit le besoin d’intervenir.

— Mademoiselle Henriette, toutes les grandes causes, toutes les nobles idées, ont eu leurs martyrs. Ils en sont presque, pourrait-on dire, la consécration. Émile Pagnanon est pour nous la certitude d’être dans la vérité. Une cause qui n’en vaudrait pas la peine, n’aurait pas pu provoquer tant de grandeur et de désintéressement. Saluons son souvenir ; mais que ce souvenir ne nous affaiblisse pas.

— Vous avez raison, Monsieur Didier, dit Jeanne. Mon cher Maurice avait coutume de dire à notre ami Converset, qui l’a sitôt rejoint dans la tombe : « que notre martyre serve au moins à quelque chose, et que nos enfants tirent le bénéfice de la rude leçon que nous avons apprise. »

— Toujours la douleur, chère Madame.

— Monsieur Didier, dit Hélène, ne blasphémez pas. Vous savez bien qu’il y a autant d’amour que de douleur dans la naissance de la « Nouvelle Équipe ».

— Vous aurez toujours raison, Mademoiselle Hélène. D’ailleurs c’est la loi souveraine, et dans toutes les naissances, il y a à la fois de la douleur et de l’amour.


Henriette l’avait dit, le pauvre Pagnanon était à présent perdu. Dans le triste asile où il avait été enseveli, sa raison avait peu à peu sombré. Il ne restait plus de lui qu’une pauvre et misérable enveloppe humaine encore enchaînée à la communauté de ses semblables. Mais l’âme, déjà, avait déserté sa prison.