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LA NOUVELLE ÉQUIPE

bras ouverts. Jeanne et Henriette avaient pleuré en écoutant le récit de Didier, et toutes deux, d’un même élan maternel, l’avaient adopté. Par la suite, les choses s’étaient très bien arrangées. Éliane Bournef, la femme de l’aveugle, avait offert de prendre l’enfant dont elle s’occuperait avec sa fille. Leur appartement de Ville-d’Avray le lui permettait. Julien Lenormand, à présent, la réclamait moins. Ayant appris la lecture et l’écriture des aveugles, il avait pu se réfugier dans le travail intellectuel. Il avait composé un ouvrage traitant « De la lumière dans l’art du peintre » qui était d’une exactitude artistique remarquable. L’ouvrage venait d’être publié, et l’auteur y trouvait un apaisement moral qui le rendait plus sociable.

— Je rebâtis ma vie parmi mes ruines, disait-il quelquefois avec douceur.

Il applaudit à la proposition d’Éliane.

— Cela sera excellent pour la petite, dit-il. Elle est trop seule. Pour le garçon, ce sera aussi très bien. Les enfants ont besoin des enfants.

La sympathie qu’il avait trouvée dans cette famille, si durement éprouvée elle-même, avait été un puissant réconfort pour Alexandre Didier. Il s’était jeté à plein cœur dans le travail, et la création de la Revue l’avait aidé à remonter le courant.

Commentant un jour la phrase de l’aveugle, il avait dit à Jeanne.

— Nous en sommes tous là, Madame Bournef, nous édifions notre vie sur des ruines.

— Hélas ! soupira la veuve de Maurice.

Le premier numéro de la revue fit sensation. On en parla beaucoup. Les étudiants la firent connaître dans les milieux universitaires, Grandjean la fit circuler parmi les artistes, René Lorget et Bourdeau l’introduisirent dans les organisations du travail. Il fallait à présent lui trouver des lecteurs et des abonnés.