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LA NOUVELLE ÉQUIPE

Une longue minute s’écoula. Il gardait les yeux ardemment levés vers elle. Alors, son regard à elle tomba sur la cicatrice qui lui coupait le front. Elle tressaillit. N’avait-il pas pardonné, lui aussi ?

Elle posa sa main sur son épaule.

— Je pardonne, dit-elle.

Il prit sa main et la porta à ses lèvres. Puis il se releva. Alors elle, sans un mot, lui tendit l’enfant. Il le prit, le serra sur sa poitrine.

— Il n’a plus de père, à présent, soupira-t-elle.

À son tour, il lui posa la main sur l’épaule.

— Vous souvenez-vous de votre serment ?

Elle secoua la tête.

— « Voici un fils des hommes » avez-vous dit. Qu’il retrouve un père dans tous ceux qui, comme moi et comme vous, ont compris.

Mais cela ne la consolait point. Quand la douleur nous tenaille, quand notre cœur saigne, la raison est obligée de se taire et d’attendre. Elle sait bien que son heure reviendra, mais qu’elle ne pourra revenir qu’à la condition qu’elle-même se soit inclinée devant la souffrance.

— Frida Gurtner, demanda Didier, croyez-vous que je sois votre ami ?

— Vous, oui !

— Eh bien ! je vous jure à mon tour que je n’aurai jamais d’autre fils que le vôtre.

Elle ne répondit pas. Alors, il mit un baiser sur le front innocent et rendit l’enfant à sa mère.

Les mois passèrent. Novembre amena l’armistice. Dès le mois de décembre on commença à rapatrier les prisonniers. Quand on appela Alexandre, il refusa de partir.

— Je partirai, dit-il, quand le maître de la maison reviendra ici. Frau Steinitz ne peut pas rester seule avec un aussi vaste domaine.