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LA NOUVELLE ÉQUIPE

tous. Pas un homme n’en pouvait détruire un autre sans se mutiler lui-même. Devant le blé doré des moissons, ce blé qui appartenait à tous ceux qui avaient faim, Alexandre Didier avait compris, ce soir-là, la grande fraternité des hommes. Son individualisme égoïste d’enfant trop choyé avait pris fin. L’ardeur généreuse qui s’était emparée de lui à l’annonce de l’attaque allemande s’était transmuée en un sentiment nouveau où la générosité était grandie et exaltée, où le courage trouvait sa vraie signification. Il était prêt, à présent, pour le grand combat, l’ultime combat qui devait sauver le monde.

Frau Steinitz, nous l’avons dit, était une femme d’intelligence et de cœur. Elle avait vite reconnu chez Didier ces mêmes qualités. Elle aimait, de temps à autre, causer avec lui. Comprenant la nature du prisonnier, elle avait prié qu’on le lui laissât pour les travaux d’automne et on avait accédé à sa demande. Alexandre Didier se trouvait donc définitivement arraché à la vie militaire du camp, dont il avait conservé une horreur toujours vive.

Vers la fin de septembre, quand toutes les récoltes furent rentrées, que les champs furent vides, la majeure partie des prisonniers dut quitter le domaine. Avant leur départ, et désireuse de leur témoigner sa reconnaissance, Frau Steinitz résolut de les réunir en un dernier repas.

— Ce sera un banquet modeste, dit-elle en faisant part de son intention à Didier ; la situation de notre pays ne permet ni l’abondance, ni le choix des denrées. Mais je voudrais que cette simple agape soit un témoignage de remerciement et une assurance de ma bonne volonté.

Alexandre fut ému.

— Mes compatriotes en seront touchés, je peux vous l’affirmer, dit-il.