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LA NOUVELLE ÉQUIPE

Jeanne comprenait. Il revivait les débuts de la guerre.

Un après-midi qu’il était seul avec elle, il lui demanda :

— Te souviens-tu de la naissance de Pierre ?

Elle inclina la tête :

— Sous le signe de Mars et du Lion… ajouta-t-il.

Puis, les yeux perdus dans le feuillage du jardin :

— Ce n’était pas une erreur. L’enfant a grandi sous le signe. Son enfance, sa jeunesse, en ont porté les empreintes.

— Henriette aussi, mon ami.

— Oui. Comme toute la jeunesse actuelle. Mais sur les fils le signe pèse plus lourdement.

— Que veux-tu dire ?

— La guerre les guette encore.

— Maurice !

— Elle les guette toujours… elle les guettera tant que l’armée existera.

— Mon pauvre ami, ne te fatigue pas à penser à ces choses.

— Je ne peux pas n’y pas songer.

Le cœur serré, Jeanne ne répondit pas. Le malade reprit :

— Dis-moi, amie, tu as toujours cette lettre ?

Elle le regarda.

— Cette lettre, tu sais, que j’avais laissée pour Pierre, quand je suis reparti pour le front, en septembre 15, après ma convalescence.

Elle secoua la tête affirmativement. L’émotion lui serrait la gorge. Elle lisait si bien dans la pensée de Maurice.

— Cette lettre, Jeanne ; il faudra la lui donner. Plus que jamais j’y tiens.

— Tais-toi Maurice, tu te fatigues. Tu sais bien que je ne peux pas avoir oublié une seule de tes recommandations.