Page:Vernet - La nouvelle équipe, 1930.pdf/224

Cette page a été validée par deux contributeurs.
218
LA NOUVELLE ÉQUIPE

de la mère. Malheureusement, avec ce que nous savons d’elle, il ne faut pas trop y compter.

— Enfin, protesta Jeanne, elle aime son fils, cette femme.

— Elle l’aime ! mais il y a des manières d’aimer qui sont pires que l’indifférence ou l’inimitié.

Maurice Bournef voyait juste. Malgré les interventions d’amis sages et patients, la mère d’Émile resta inébranlable. Puisque son fils était malade et qu’il était dans un établissement où il recevait les soins que nécessitait son état, on devait l’y laisser, déclara-t-elle. Elle ajouta encore que la folie ne pouvait pas être mise en doute « après tout ce qu’il avait fait ». Elle accusa les militants du pacifisme de l’avoir rendu fou « avec toutes leurs histoires ». En dernier lieu elle conclut qu’il était bien heureux qu’il fût enfermé parce qu’ainsi il échappait à tous ceux « qui lui avaient monté la tête ». Et pour mettre fin à toutes discussions et pour rendre impossible toutes tentatives directes elle mit le veto sur les visites à l’asile. Nul autre que les personnes mentionnées par elle ne fut admis à voir l’enfermé. Ainsi la muraille qui encerclait le malheureux se fit plus haute et plus impénétrable. C’était la mise au secret ; c’était l’application de la torture ; et c’était d’autant plus odieux que cela se faisait au nom de la justice et de l’humanité.

Jean Tissier, cependant, avait écrit aux quelques propagandistes que Pagnanon avait connus, avec lesquels il était en relations. Il avait soumis le cas à l’un de ses amis dont le père militait dans la Ligue des Droits de l’Homme. Jeanne de son côté, avait tenté quelques démarches près de deux députés de l’Isère. Des enquêtes étaient promises, mais tout cela serait long, et Maurice avait eu raison dans ses prévisions et dans ses craintes. Le malheureux Pagnanon était fort probablement perdu.