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LA NOUVELLE ÉQUIPE

arrivé à Verberie. Il y avait offert ses services qu’on avait pris en plaisanterie. Un maçon cependant, intéressé par sa conversation, l’avait amené chez lui, lui avait offert à souper. Il avait passé la nuit sous son toit, et, au matin, se remettait en route. Partout des scènes identiques se renouvelaient. Les mairies repoussaient ses offres, les gendarmes lui demandaient ses papiers. Chemin faisant il causait aux uns et aux autres, aux ouvriers, aux paysans, aux femmes, aux commerçants. Il s’attarda en de longues discussions avec des curés et des pasteurs, avec des notabilités diverses : maires, conseillers, juges de paix. Le plus souvent il récoltait de l’hostilité, quelquefois de la sympathie. Il arriva que de pauvres gens, déblayant leurs terres ou défrichant, accueillirent ses services. Ces jours-là, la confiance lui revenait, mais la route reprise, les épreuves recommençaient. Mal nourri, souvent mal couché, il commençait à sentir la fatigue physique, et la lassitude de l’esprit s’annonçait.

Cette lassitude transparaissait dans ses lettres, bien qu’elle ne fût pas avouée. Aux enthousiasmes, à la confiance des premiers jours, avait succédé la tristesse de l’incompréhension générale. Les premières épreuves avaient attisé son courage, exalté son désir de sacrifice, et ses lettres avaient alors quelque peu effrayé ses amis de Ville-d’Avray. Mais à la fin, l’épreuve devenait pesante. Elle était trop souvent renouvelée. Dans un gros bourg de l’Aisne, un boucher avait couru derrière lui, le couteau à la main, en disant qu’il était fou. Le boucher avait été désarmé. Mais cette agression avait fortement impressionné le jeune apôtre.

« Je suis triste, avait-il écrit, non à cause de moi et de ce qui eût pu m’advenir, mais à cause de cette mentalité de violence qu’on retrouve partout. »

Sa dernière lettre, datée du 21 février, était envoyée du Pas-de-Calais, où il avait séjourné dans une famille