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LA NOUVELLE ÉQUIPE

veux que vous sachiez que vous resterez le guide moral de mes actions et que toujours j’entendrai votre voix me dire, comme là-haut dans les Alpes : « Monsieur Émile, vous êtes dans la vérité. »

La voix du jeune homme avait pris une intonation douloureuse. Henriette soupira. Elle avait été attirée vers lui par la beauté de son caractère, par l’élévation de sa conscience, et comme toujours, en pareil cas, son cœur avait suivi sa pensée. Mais elle se demandait, à cette heure, si l’affection spontanée qu’elle lui avait accordée répondait bien à l’admiration passionnée du jeune homme. Jusqu’à présent elle n’avait point songé à l’amour, bien qu’elle eût dépassé la vingtième année. Le milieu familial avait mûri sa pensée, l’avait orientée vers la gravité et le sérieux. La grande tendresse qu’elle éprouvait pour les siens avait toujours suffi à alimenter son cœur. Et il ne lui semblait point qu’elle donnait à Émile Pagnanon une affection différente de celle qui l’unissait à ses parents et à son frère. La confession qu’il venait de lui faire la trouvait dans l’incertitude, bien qu’elle la troublât un peu. Mais quelle femme n’est pas troublée par la présence de l’amour, même lorsqu’elle ne le partage pas ?

Lui, maintenant, respectait son silence. Il avait l’intuition de ce qui se passait en elle. L’absence d’élan de sa part avait été significatif à ses yeux. Il n’était pas aimé comme il aimait lui-même. Mais si cette certitude lui était cruelle, elle n’altérait en rien sa sérénité d’âme. Ne valait-il pas mieux, d’ailleurs, qu’il en fut ainsi. Il l’avait dit, il n’avait rien à espérer de l’avenir.

Henriette, pourtant, comprit la nécessité de parler.

— Monsieur Émile, dit-elle, je ne puis vous dire à quel point vous m’avez émue. Je voudrais vous donner l’assurance de mon affection pour vous, et je me sens bien maladroite à l’exprimer. Mais croyez bien que