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LA NOUVELLE ÉQUIPE

Rose-Marie était élève de l’École Normale de jeunes filles, lorsqu’il l’avait connue. Une grande amitié, des goûts communs, les avaient rapprochés. À dix-huit ans, ils s’étaient fiancés, et il était reçu presque comme un fils, chez les parents de la jeune fille. Mais Rose-Marie n’avait pas suivi l’évolution spirituelle du jeune homme et rapidement des heurts, des froissements, s’étaient fait sentir. Lorsqu’il était revenu de Lugano, elle s’était montrée hostile à l’orientation qu’avait prise sa pensée ; elle condamna ses idées, blâma, ridiculisa même ses projets de résistance à la conscription. Après des discussions pénibles, douloureuses pour lui, il dut rompre. Jamais, depuis cette rupture, il n’avait revu celle qui avait été sa fiancée et vers qui son premier et juvénile amour était monté.

Lorsqu’il eut terminé son récit, un long silence plana. Henriette, vaguement, se sentait triste.

— Mademoiselle Henriette, dit-il enfin, je vous devais cette dernière confidence. Elle vous expliquera mieux le bien que vous m’avez fait. J’ai trouvé en vous l’âme féminine que j’ai souffert de ne pas trouver en Rose-Marie. L’homme a besoin d’être compris, approuvé, soutenu, par une femme. C’est un besoin aussi naturel que celui qui pousse le petit enfant vers sa mère. Vous avez réalisé pour moi cette femme nécessaire à tout homme pour éclairer sa route. Rose-Marie n’avait été qu’une illusion ; vous êtes, vous, la vérité de ma vie.

Puis, comme la jeune fille se taisait toujours, le jeune homme poursuivit.

— Peut-être ne devrais-je pas vous parler ainsi, peut-être trouvez-vous que cela manque de correction. Mais c’est sans doute la dernière fois qu’il m’est donné de vous ouvrir mon cœur et ma pensée. Dans quelques jours je vous aurai quittée, et l’avenir qui m’attend ne me permet pas d’espérer. Du moins je