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LA NOUVELLE ÉQUIPE

main, il est pénible, croyez-moi, de rencontrer de telles femmes sur leur chemin ; pénible, douloureux même, d’être liés à elle par l’affection.

Émue par l’accent du jeune homme, Henriette lui prit doucement la main.

— Vous pensez à votre mère, dit-elle ; mais votre mère ne peut pas être mise en cause. J’ai seulement voulu parler des femmes de ma génération.

— C’était d’elles seulement que je parlais aussi. Si je souffre à la pensée de tout ce qui me sépare aujourd’hui de ma mère, je comprends trop bien les raisons qui en sont cause pour récriminer. L’esprit suit son chemin, lui aussi. Je ne puis pas demander à ma mère, qui est presqu’une ignorante, de s’élever jusqu’aux pensées qui sont devenues les miennes. Je peux lui conserver toute ma tendresse malgré l’incompréhension qui nous sépare, car cette incompréhension n’est pas réciproque ; si ma mère ne me comprend pas, il n’en est pas de même pour moi. Et c’est précisément parce que je peux la comprendre que ma tendresse pour elle n’est pas diminuée. Il ne peut pas en être de même à l’égard d’une affection qui demande une mutuelle compréhension.

Le jeune instituteur se tut. Malgré lui, une amertume soudaine avait nuancé sa dernière phrase. Henriette l’avait sentie, et ne savait plus que dire.

Ce fut lui qui rompit le silence.

— Tenez, Mademoiselle Henriette, je ne veux pas que vous ignoriez quoi que ce soit de ma vie. Je veux achever, aujourd’hui, ma confidence des Alpes. Vous comprendrez mieux ainsi l’admiration que j’ai pour vous.

La jeune fille, d’instinct, avait compris qu’il allait être question d’une femme. Elle ne se trompait pas. Le jeune homme avait eu, là-bas, une jeune amie de son âge qui, comme lui, se destinait à l’enseignement.