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LA NOUVELLE ÉQUIPE

dès les débuts, houleuse et menaçante. Le premier orateur avait eu beaucoup de peine à se faire entendre. Quand son contradicteur lui succéda, il fut assailli et dut abandonner la tribune. Un autre alors se présenta qui souleva un tonnerre d’applaudissements en même temps que des sifflets et des vociférations. Ce fut une mêlée indescriptible. De la tribune un coup de revolver partit et dans la salle un homme s’affaissa. Alors la mêlée devint bataille. Les assistants, surexcités, s’étaient divisés en deux camps s’invectivant et s’injuriant. Tout à coup, l’un d’eux se saisissant d’une lourde barre de fer restée dans un coin de la salle, l’éleva comme une massue au-dessus de la tête de son adversaire, et la laissa retomber. L’homme tomba, le visage en sang. Au même moment, un autre coup de revolver retentit. Puis la police envahit la salle, dispersa les assistants.

Jeanne écoutait, terrifiée, elle aussi.

— Dans quel temps vivons-nous, murmura-t-elle. Ces haines politiques prennent des proportions effrayantes.

Poursuivant son récit, Émile Pagnanon ajoutait que, dès le premier coup de revolver, il avait voulu intervenir. Il était monté sur sa chaise, avait tenté quelques paroles d’apaisement. Mais immédiatement, il avait été renversé, bousculé, frappé.

— Mon Dieu, dit Jeanne, l’interrompant, vous êtes blessé peut-être, vous eussiez dû me le dire tout de suite.

— Rassurez-vous, Madame, pour ce qui me concerne, ce n’est pas grave. Quelques contusions à l’épaule, peut-être, et les reins un peu douloureux. Il n’y paraîtra plus dans deux jours.

— N’importe, il faut faire un peu de réaction. Je vous ferai un grog, et vous me montrerez tout à l’heure cette épaule. Il y a peut-être lieu de la soigner.