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LA NOUVELLE ÉQUIPE

lorsque, après un repas sommaire, il se retrouva entre Maurice et Jeanne.

— Il me semble, dit Maurice, quand le jeune homme eut terminé, que tout ceci n’est pas bien régulier. Vous devez dix ans de services à l’État.

— C’est ce que j’ai fait remarquer à mon inspecteur, quand il m’a invité à démissionner. Mais il m’a dit que le mobile de mon acte serait considéré comme un cas de force majeure, et me délierait de mon obligation.

— Oui, je comprends. Il faut éviter tout scandale. Un instituteur objecteur de conscience, ce serait une catastrophe pour l’Administration.

— À votre place je n’aurais pas démissionné, dit Pierre.

— Je ne pouvais pas agir différemment, après ce que j’avais dit à mon inspecteur.

Jeanne à son tour demanda :

— Et votre mère, Monsieur Pagnanon, comment a-t-elle accepté cela ?

Des larmes montèrent aux yeux du jeune homme.

— Ah, Madame, vous touchez au point douloureux de cette affaire. Ma mère, hélas ! ma mère me condamne et ne veut plus me revoir, ni entendre parler de moi.

Émus par l’expression douloureuse du visage de leur hôte, les assistants gardèrent le silence. Henriette, enfin, s’approcha de lui, prit sa main et la serra.

— Pauvre Monsieur Émile, c’est le commencement du calvaire.

— Et la montée sera dure, ajouta pensivement Maurice.

Mais déjà le jeune homme s’était reconquis. Les yeux brillants, un peu fiévreux, il répondit :

— Ne croyez pas, Monsieur Bournef, que je n’aie pas tout prévu. Puisque vous parlez du calvaire, je répondrai que le Christ n’a été arrêté ni par les larmes