trerai que des blâmes autour de moi. Mais, au milieu de la réprobation de tous, Mademoiselle Henriette, j’entendrai toujours votre voix me dire : « Monsieur Émile, c’est vous qui êtes dans la vérité ». Et cela me donnera la force d’affronter toutes les sentences et toutes les condamnations.
« Que vais-je faire à présent ? Je ne le sais pas encore. J’ai voulu vous raconter tout cela sans tarder. Dans quelques jours je vous écrirai pour vous dire ce que j’aurai résolu… »
Lorsque Henriette eut terminé la lecture de cette lettre, Maurice et Jeanne se regardèrent silencieux. Puis Jeanne dit enfin :
— Le brave enfant. Quel exemple il donne à ceux qui déclarent penser comme lui, mais qui n’osent faire le geste de la libération.
Maurice soupira.
— Ma pauvre amie, dit-il, j’ai bien peur que l’exemple reste ignoré et incompris, et que le pauvre garçon ne soit destiné à faire une victime.
— Alors, il n’y aurait rien à faire ?
— Je ne dis pas cela. Ce Pagnanon est admirable, mais c’est un isolé, et je répète ce que j’ai dit déjà : la lutte est trop inégale et d’avance c’est un vaincu.
— Maurice, les bons devront-ils donc être toujours des vaincus ? Souviens-toi de la mobilisation de 14. Lenoir, Lorget, Bourdeau, nous disaient « nous sommes des vaincus ». Un vaincu aussi était ce terrassier rencontré par ton frère rue Grange-aux-Belles. Et Louis Mathias à son tour nous répétait : « Nous sommes des vaincus ». La vérité ne triomphera donc jamais ? et toi, Maurice, toi, vas-tu aussi condamner celui qui ose la proclamer ?
— Chère Jeanne, tu sais que je ne condamne pas. J’admire ce jeune homme, je le répète. Sa conduite est un réconfort, une joie morale. Mais je ne peux pas ou-