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LA NOUVELLE ÉQUIPE

— C’est toute une histoire. Mais je dois d’avoir pu faire mes études à la bienveillance de l’instituteur qui me prépara au certificat.

Les deux jeunes gens avaient enfin touché le terme de la montée. À leurs pieds, se déroulait le panorama des petits sommets et des vallées. En face d’eux le massif du Mont-Blanc s’irradiait sous le soleil. Un moment ils s’immobilisèrent dans le silence de la contemplation ; puis Henriette chercha un endroit possible où s’étendre un peu.

— Nous redescendrons dans un moment, dit-elle, mais j’ai absolument besoin de me reposer.

— Tenez, venez ici, nous serons tout à fait bien.

Le jeune homme avait étendu par terre son manteau d’excursion. Tous deux y prirent place.

— Monsieur Pagnanon, dit la jeune fille, parlez-moi donc de votre enfance.

En ces quelques jours de vie commune, Émile et Henriette s’étaient beaucoup rapprochés. Le jeune instituteur se sentait attiré vers cette jeune fille de son âge, un peu grave, mais qu’il sentait tendre. Volontiers, il s’attardait avec elle. Heureux de cette solitude que les circonstances lui avaient ménagées, il se laissa aller à la douceur de conter sa vie, toute sa vie, un peu isolée et rude. Il dit son enfance pauvre, heureuse cependant jusqu’à la mort du père. Puis la détresse où les plongeait cette mort, survenue presque subitement. Il dit les rudes travaux que dut accepter sa mère pour faire vivre ses deux enfants, car il avait un frère plus jeune que lui de trois ans. Il raconta comment il allait, avec ce petit frère, récolter les fruits et les herbes de la montagne, et ramasser le bois mort dans les forêts de sapins.

— Et voyez-vous, Mademoiselle Henriette, malgré notre grande pauvreté, qui était presque de la misère, nous étions toujours propres et bien tenus. Ma pauvre maman prenait sur ses nuits pour raccommoder nos