Page:Vernet - La nouvelle équipe, 1930.pdf/155

Cette page a été validée par deux contributeurs.
149
LA NOUVELLE ÉQUIPE

bien réfléchi, croyez-le, et je connais et j’accepte les conséquences de ma décision. Je ne veux pas être soldat. Accepter le service militaire, c’est tacitement accepter la guerre, puisqu’il en est la préparation.

— Pourquoi n’essaieriez-vous pas de vivre en Suisse, questionna Jeanne. Vous pourriez y continuer votre action pacifiste, tandis qu’en France, vous risquez d’être emprisonné pendant des années et de perdre ainsi toute possibilité de travailler pour la paix.

— Mais, Madame, mon emprisonnement sera encore de l’action pacifiste, et comment pourrai-je mieux travailler pour la paix qu’en me refusant à la guerre ? Voyez-vous, les mots sont des mots ; mais les actes seuls ont une signification. La guerre n’est forte que du consentement que chacun de nous lui donne.

Jeanne soupira. Tout cela, elle l’avait pensé tant de fois. Elle se souvenait des premiers jours d’août 1914 ; de toux ceux qui partaient dans l’affolement du fanatisme et de la terreur. Ne l’avait-elle pas dit alors que la guerre n’était possible que par l’abdication des consciences ?

Maurice aussi le savait bien. Mais il songeait à la lutte inégale de ce jeune homme isolé avec une institution qui avait pour elle la force et l’autorité de la discipline acceptée par tous. Il ne s’illusionnait pas, le vaincu serait le malheureux enfant dont il admirait pourtant la résolution et le courage.

— La question est bien complexe, dit-il.

— Non, Monsieur Bournef, elle est simple. Il faut résister ou se soumettre. Et vous savez bien ce que la soumission signifie.

— Vous avez raison, Monsieur Pagnanon, interrompit l’aveugle. Puisqu’il faut, de toute façon, accepter une souffrance, choisissons du moins celle qui pourra être utile. J’ai bien le droit de vous approuver, moi, peut-être. Ma vie a été mutilée au profit de la plus