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LA NOUVELLE ÉQUIPE

— C’est un guet-apens, alors, interrompit Pierre.

— Presque. Mais je n’ai pas encore répondu. Pour moi aussi c’est un cas de conscience.

— Sérieusement, songez-vous à intervenir près de ce jeune homme, demanda Jeanne.

— Mais, c’est là qu’est le cas de conscience, précisément. Moralement, je l’approuve.

— Moi aussi, Monsieur Converset, déclara Pierre. Et personne n’a le droit d’empêcher ce jeune homme de mettre sa conduite en accord avec sa conscience.

— C’est bien un peu ce que je me dis, répondit pensivement le colonel ; mais c’est une si rude bataille à affronter, à son âge.

— Qu’importe, il faut qu’elle soit livrée.

— Mais s’il succombe, pourtant ?

— Toutes les causes ont eu des martyrs. La guerre a tué, rien qu’en France, un million sept cent mille hommes et depuis quatre ans elle continue journellement son œuvre. Nous avons accepté, nous acceptons cela. Et nous n’accepterions pas l’offre généreuse de quelques jeunes hommes à la paix du monde.

Pendant que Pierre parlait, Jeanne suivait sur son front la fermeté de sa pensée. Une révélation se faisait en elle. Il lui semblait que son fils s’exprimait pour son propre compte.

— Ce jeune instituteur a une mère, fit observer le colonel, c’est aussi un point à considérer. Ma vieille amie me dit que cette mère sera tout à fait incapable de comprendre le geste de son fils.

— Je la plains, reprit Pierre. Une mère devrait comprendre cela. Les mères ont été déchirées par la guerre. Ne devraient-elles pas être le plus ferme soutien de ceux qui, comme ce jeune instituteur, sont décidés à lutter contre la barbarie dont elles ont souffert ?

Puis, se tournant vers sa mère :

— Maman, qu’en penses-tu, toi ?