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LA NOUVELLE ÉQUIPE

et l’exil. Rentrés en France, cette amitié avait persisté, cimentée par une commune condamnation de la guerre.

Jean Converset était un de ces officiers républicains qui, au moment de l’affaire Dreyfus, sauvèrent la réputation morale de l’armée en se faisant les défenseurs de la vérité. Il approchait de la retraite quand la guerre était survenue. D’esprit pacifique il n’en était pas moins parti avec la conviction d’être dans le droit et d’obéir aux lois de justice en défendant son pays attaqué. L’agression de l’Allemagne lui était apparue, de même qu’à tous ceux qui de bonne foi acceptèrent les raisons gouvernementales, comme une manifestation des forces d’impérialisme qu’il fallait abattre pour assurer la paix du monde.

Mais après la Marne, la conduite de la guerre lui démontra, peu à peu, les raisons cachées qui la faisaient durer et se prolonger. Lorsque, prisonnier, il entendit des soldats allemands lui affirmer, avec la plus grande sincérité, qu’eux aussi étaient partis pour la défense de leur pays, attaqué par leurs voisins de l’Est et de l’Ouest, il commença à comprendre le rôle du mensonge dans la guerre.

Des femmes allemandes lui racontèrent leurs angoisses, les scènes de désolation et les protestations qui avaient accueilli, dans les foyers allemands, la mobilisation de 1914, lui prouvant que des deux côtés de la frontière, la guerre avait apporté les mêmes bouleversements, les mêmes douleurs.

Lorsque, en novembre 1916, il sut que la France repoussait les avances de paix de l’Allemagne, offrant de restituer l’Alsace-Lorraine et de restaurer la Belgique, il tomba en de douloureuses méditations. L’opinion qu’il s’était déjà faite, sur les buts inavoués de la guerre, se fortifia. Une tâche lui apparut urgente et impérieuse, pour ceux qui survivraient au désastre : celle d’établir la lumière, toute la lumière, sur la catastrophe sans