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LA NOUVELLE ÉQUIPE

l’action syndicale, y portant son farouche mépris pour les anciens chefs auxquels il reprochait toujours leurs défaillances. En 1920, il s’était laissé prendre aux théories communistes ; puis il s’en était assez vite dégagé, trop libertaire d’esprit pour se soumettre aux dictatures de pensée. Mais il ne se satisfaisait point du syndicalisme étriqué et sans élan qui était devenu celui de la C. G. T. d’après-guerre. Il ne cessait point de protester contre cette C. G. T. qui donnait son appui au gouvernement nationaliste où tous les fauteurs de la guerre s’entre glorifiaient d’une victoire si cruellement achetée. Les fêtes organisées à Paris en l’honneur du soldat inconnu l’avaient indigné, et lorsqu’il en avait lu le compte rendu dans la presse, sa colère avait éclaté.

— On ne peut pas mieux se moquer du peuple, avait-il dit ; mais il faut avouer que le peuple n’a pas volé cette injure là, puisqu’il prend si bien la chose…

Telle était, en ce mois de mai 1923, la situation dans laquelle nous retrouvons nos anciens personnages. Et nous les trouvons tous rassemblés, ce dimanche après-midi, dans le jardin de la villa, autour du fauteuil de Maurice Bournef, à qui le printemps a rendu quelques forces passagères.

Hélène et Jean Tissier sont là ; Pierre a obtenu sans difficulté, de sa mère, une invitation pour ses jeunes amis, et Maurice, mis au courant des épreuves qui avaient atteint cette famille spoliée, avait applaudi son fils, d’y vouloir apporter un adoucissement par une manifestation de sympathie.

— Certainement, avait-il dit, il faut les accueillir, ces deux enfants. Que notre amitié les réconforte et leur fasse oublier l’aridité de leur foyer. Ils sont eux aussi des victimes de la guerre ; mais qui n’en est pas victime ? Je prétends que ce Gaston Tissier, devenu voleur par ambition démesurée, est aussi une victime, et je le plains.