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LA NOUVELLE ÉQUIPE

— J’espère que vous n’y mettrez pas d’opposition, Madame, ajouta Pierre en se tournant vers la mère de Jean.

— Oh, Monsieur Bournef, le bonheur de mes enfants m’est trop cher pour que je m’y oppose. Mais vous demanderez à votre mère d’adresser sa requête à mon mari, n’est-ce pas ? Il est devenu si susceptible, à présent, ajouta-t-elle en matière d’excuse.

Elle soupira. Et ce soupir exprimait tant de douleurs inavouées que Pierre en fut tout ému. Il devinait les blessures secrètes de la mère, et la jeune fille lui devenait soudain plus chère. Il lui semblait qu’il y aurait une juste réparation à son égard dans l’amitié des siens qu’il voulait lui conquérir, et il rentra chez lui, ce soir-là, méditatif et songeur. Cette famille Tissier avait été, elle aussi, bouleversée par la guerre. De quelque côté qu’il se tournât, il trouvait des ruines sur son chemin.


II


Les ruines de la guerre, la maison de Ville-d’Avray les connaissait. Pour sa part, elle en abritait quelques-unes, et l’espérance qui l’habitait jadis avait fait place au deuil et à la douleur.

Nous l’avons dit, Maurice Bournef était condamné. Après un mieux assez sensible, qui avait rendu quelque espoir à Jeanne, des hémoptysies étaient survenues et depuis lors le blessé allait vers la mort. Il le savait, mais feignait de conserver un espoir de guérison pour donner le change aux siens.

Jeanne, de son côté, apportait la même vaillance à cacher la certitude qu’elle avait de la condamnation de l’homme qu’elle aimait. Elle le soignait avec le dévouement du désespoir, sachant qu’elle ne pouvait