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LA NOUVELLE ÉQUIPE

— Je le crois. Quoique cela, Monsieur Pierre, il ne faut pas me considérer comme une martyre. J’aime l’étude, et, quand on l’aime, il y a toujours moyen de s’arranger. Si je réussis, je préparerai peut-être Fontenay. Ainsi, j’aborderai tout de même des études supérieures, et mes parents n’auront pas eu à en supporter les charges.

Elle disait tout cela avec tant de bonne humeur, malgré la tristesse qui avait assombri son regard, que Pierre se sentit ému. Il comprenait soudain le rôle des nécessités matérielles dans l’existence d’une famille comme celle-ci.

— Je vous souhaite de réussir, Mademoiselle Hélène, vous le méritez bien.

Elle sourit.

— Et puis, voyez-vous, ajouta-t-elle en baissant la voix, il faut que Jean puisse se réaliser. S’il devait cesser ses études, ce serait trop dur pour lui.

— Mais il sera reçu à Normale, soyez-en certaine, et les études y sont gratuites.

— Sans doute ; mais c’est long quand même, et si mes parents devaient faire un double effort, ils ne le pourraient pas. Jean pourrait se trouver dans l’obligation de faire autre chose. Et, croyez-moi, ce serait pour lui une blessure trop vive.

Cependant, Mme Tissier avait servi le thé, et prenait place elle aussi parmi les jeunes gens. La conversation, pendant un moment, roula sur des banalités.

— Mademoiselle, demanda Pierre tout à coup, ne faites-vous pas du violon ?

Elle rougit.

— Jean m’a dit, continua le jeune homme…

Elle l’interrompit.

— Il est bien bavard, ce Jean, dit-elle, mais puisqu’il vous l’a dit, j’avoue.

— Si tu jouais quelque chose ? proposa Jean.