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LA NOUVELLE ÉQUIPE

— Tu comprends à présent, dit-il en terminant, pourquoi mon père a pris ce caractère aigri. L’injustice qu’il a subie l’a blessé si vivement qu’il n’a jamais su la dominer.

— Quelle situation a-t-il, à présent ?

— Il est sous-directeur de l’usine d’Arcueil depuis l’automne. Ce n’est pas mauvais. Mais nous sommes quatre, et la vie est parfois difficile. Depuis trois ans et demi que nous avons repris l’existence commune, ici, nous avons eu de mauvaises heures, je t’assure.

Jean Tissier, aîné de Pierre d’une dizaine de mois, n’avait pas le fin visage de son ami. C’était un grand et robuste garçon qui conservait nettement l’empreinte de ses origines paysannes. Son masque était un peu rude, sévère, sans douceur. Le front était volontaire, barré d’un pli qui parfois se creusait farouchement ; le regard exprimait la résolution et la fermeté. Mais ce visage rude n’était pas sans beauté. Une intelligence réfléchie y combattait la survivance du caractère ancestral, et lorsqu’il souriait une lumière soudaine éclairait ses traits, y mettait quelque chose de tendre, qui disparaissait d’ailleurs avec le sourire. Tel qu’il était, il inspirait la sympathie et la confiance ; et ceux qui le connaissaient savaient qu’il était bon.

Il avait commencé ses études au lycée de Niort. En octobre 1919, il entrait à Louis-le-Grand, en seconde, où il faisait la connaissance de Pierre, et leur amitié avait pris là ses racines.

— Si tu permets, dit-il à Pierre, je vais te présenter ma sœur.

— Mais certainement.

Il sortit, laissant Pierre seul, et revint bientôt accompagné d’une charmante jeune fille blonde, aux larges yeux bleus pleins de lumière.

— Ma sœur Hélène, mon cher Bournef.