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LA NOUVELLE ÉQUIPE

où nous reprenons ce récit, ses amis ne pouvaient point douter qu’il fût irrévocablement condamné.

À cette heure où nous le retrouvons, Pierre Bournef était dans sa dix-huitième année. L’enfant né sous le double signe de Mars et du Lion n’avait rien de l’allure martiale que le pronostic de son grand-père semblait lui avoir promis. C’était un grand garçon, un peu trop mince pour sa taille élevée. Le visage aux traits fins et doux, n’accusait, dès l’abord, aucun caractère. Il fallait, pour y découvrir la pensée, que la confiance lui eut permis de se livrer. C’était presque un taciturne. Il n’avait ni la fougue, ni les travers de la jeunesse. Une gravité précoce lui donnait une apparence de maturité disproportionnée à son âge. Il était trop sérieux.

Tout cela s’expliquait par les événements qui avaient bouleversé sa famille. La guerre avait passé sur son adolescence. Près d’une mère douloureusement atteinte il avait subi le contre-coup de toutes les souffrances maternelles, mais la force d’âme de Jeanne s’était aussi communiquée à lui, le revêtant lentement des qualités essentielles de sa mère : la tendresse et le courage. Ce courage, jusqu’à présent, n’avait eu que de rares occasions de se manifester en dehors de la persévérance apportée aux études ; mais on le découvrait, à certaines heures, et plus particulièrement dans l’attitude qu’il prenait avec son père, qu’il adorait, et près duquel il conservait toujours une gaieté qui paraissait ne pas être forcée. Peut-être, après tout, cette gaieté aurait-elle été la forme normale de son caractère si sa nature s’était librement développée. Cette jeunesse, qui avait traversé les années de guerre à l’âge où le caractère prend le pli qu’il conservera, se ressentait du déséquilibre général. Suivant les milieux elle était trop austère ou trop relâchée, trop inquiète ou trop indifférente.