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LA NOUVELLE ÉQUIPE

elle m’approuve aussi. Elle a pleuré, je dois le dire ; mais elle s’est vite dominée. Elle m’a dit qu’elle comprenait très bien ma conduite, et que, malgré sa peine, elle était fière de moi.

Jeanne soupira, mais ne répondit pas. Le jeune homme prit congé et partit.

Jeanne, alors, s’approcha de son mari et lui dit :

— Maurice, la vois-tu, cette force dont je te parlais ce matin ? Ce n’est pas la peur qui le détermine, celui-là, puisqu’il s’engage…

Dans la soirée on apprenait que deux des collaborateurs de la Pensée Libertaire, jeunes anarchistes qui avaient été dispensés du service militaire à l’époque de la conscription, s’étaient volontairement engagés.

Maurice regarda Jeanne avec une tendresse grave :

— Comme tu avais raison, ma pauvre amie, dit-il.

Elle eut un sourire résigné.

— Je n’en suis pas fière, mon ami…

Le dîner les réunit tous à table, Maurice, Jeanne, Léon, les trois enfants et Mme Delmas. Le repas fut silencieux. Quand les enfants firent leurs adieux pour la nuit, les deux hommes les retinrent dans leurs bras, pour leur apprendre leur départ, qui devait avoir lieu le lendemain matin.

Pierre regardait son père, attentif. Roger était ému, Henriette, plus âgée, très sensible, déjà un peu femme, était la plus compréhensive des trois. Elle avait pris son père par le cou, et le front sur son épaule, elle pleurait.

— Il eût peut-être mieux valu leur épargner cette scène, dit tout bas Mme Delmas à sa fille.

— Non maman. Ils sont jeunes, c’est vrai. Mais ils se souviendront. Et il faut qu’ils se souviennent, vois-tu.

— Notre Pierre est bien pâle, ma fille. Il ne pleure pas ; mais on devine qu’il est bouleversé.