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LA NOUVELLE ÉQUIPE

Le général Delmas eut dans le regard un éclair de triomphe. Mais il ne dit rien. Silencieusement il serra la main de son gendre, puis alla embrasser sa fille.

— Tu vas déjeuner avec nous, papa ?

— Non, ma fille, je rentre immédiatement à Paris.

Quand le général fut parti, Maurice attira sa femme près de lui.

— Jeanne, tu as suivi ma pensée depuis trois jours, tu l’as comprise sans que j’eusse à te l’expliquer. Jeanne, à présent je dois partir.

Elle se raidit.

— Oui, murmura-t-elle.

— Tu m’absous, toi, dis ? Oh, parle, j’ai besoin de t’entendre. Tu es la raison et le cœur, toi, et moi je ne sais plus ce que je suis…

— Mon cher ami, je n’ai pas à t’absoudre, car tu es absous par ta souffrance. Moi, je t’aime… et je comprends…

Sa voix se fêla. Elle se tut, pour reprendre son assurance.

— Je comprends que l’amour est vaincu. Tu le disais hier, on a peur de lui. Dans l’affolement de tous, c’est lui qu’on immole. Mais je comprends encore une autre chose, Maurice, c’est que tu ne peux pas abandonner tes frères. Les hommes sont dans la dépendance les uns des autres ; ce pourrait être le salut, pourquoi faut-il que ce soit la défaite ?

Il eut un cri :

— Ah ! comme c’est vrai, ce que tu dis là.

Puis :

— Jeanne où as-tu pris ces pensées ?

— Elles me sont venues bien simplement. Depuis le soir où Jacques Bourdeau et ses deux amis sont venus ici, j’ai constaté cet enchaînement des hommes dans la société. On pouvait ne pas être vaincu, mais le mot n’a pas été dit à temps.