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LA NOUVELLE ÉQUIPE

n’ignore pas que cette heure est pénible pour vous ; mais je sais aussi que vous êtes une conscience droite et que vous ne pouvez pas hésiter devant le devoir.

Maurice ne répondit pas. Les bras croisés, le regard fixe, il s’était arrêté devant la fenêtre. Et Jeanne, qui ne le quittait pas des yeux, vit une larme rouler sur sa joue. Une image rapide passa en elle, celle de ce jeune terrassier dont Léon, le dimanche, leur avait raconté l’histoire. Lui aussi avait pleuré. Dans le naufrage de leurs convictions l’ouvrier et l’intellectuel se retrouvaient côte à côte.

Elle se leva, s’approcha de son mari, et d’un geste tendre essuya la joue humide. Ce geste rompit le silence dans lequel Maurice se sentait sombrer. Il posa sa main sur l’épaule de Jeanne, puis, relevant le dernier mot du général.

— Le devoir ! Vois-tu Jeanne, nous nous croyons des êtres supérieurs, et nous ne sommes pas même capables de nous comprendre. Le devoir ! oui, je suis un être de devoir ; nous le sommes tous, après tout. Mais quand tout s’effondre sous nos pieds, quel devoir est le dernier refuge de nos consciences ?

— Mon pauvre ami !

— Il y a le devoir de l’individu, il y a le devoir du citoyen, il y a le devoir humain.

Le général s’était approché :

— Il n’y a plus qu’un seul devoir, Maurice, le devoir du soldat.

Maurice Bournef se tourna vers son beau-père puis, douloureusement, mais très calme :

— Général, dit-il, voulez-vous me permettre de ne pas répondre. Voulez-vous me laisser seul. Il faut que je termine ce travail et que je prépare mon départ.

— Je vous comprends, Maurice. Vous partez jeudi, n’est-ce pas ?

— Non, je pars demain matin.