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LA NOUVELLE ÉQUIPE

pas suivi une marche régulière pour tous. Des peuples se sont attardés sur la route. Ces peuples, aujourd’hui, nous provoquent. Nous ne pouvons plus hésiter, il faut défendre notre vieille civilisation française, notre pensée, notre liberté, nos droits. C’est notre imprescriptible devoir. Du moins, mes amis, affirmons ici que nous entrons dans cette guerre sans haine. Dans le choc inévitable des armées, restons français, restons humains. En dépit de son erreur, que le peuple allemand nous reste sacré. N’oublions pas que c’est au militarisme allemand, à la dynastie des Kaisers, aux émules de Bismarck, que nous nous attaquons. C’est eux seulement qui sont les coupables. Condamnons-les, mais épargnons un peuple qui est, par bien des côtés, si près du nôtre. Si nous sommes vainqueurs, comme le droit l’exige, soyons des vainqueurs magnanimes.

Le vieux professeur se tut. Des mains se tendirent vers lui. Tous les cœurs avaient été remués par ses paroles.

Maurice Bournef, à son tour, parla.

— Je remercie notre vieil ami, dit-il. Il exprime notre pensée. Mais je veux ajouter ceci : Le peuple français, comme le peuple allemand, est une victime dans cette guerre qui commence. Malgré les témoignages de folie fanatique que nous avons pu constater depuis trois jours, le peuple dans son ensemble ne s’en va pas de bon gré à la guerre. Il obéit au devoir, à la tradition, à l’éducation reçue, — à la peur aussi, hélas ! — mais sa liberté et sa volonté sont absentes dans son obéissance.

— Comme c’est vrai, approuva une voix.

La porte, à ce moment, s’ouvrit pour livrer passage à deux nouveaux arrivants. C’étaient deux jeunes allemands d’environ vingt-cinq ans, appartenant tous deux au Club des socialistes allemands de Paris, qui avait son siège à la Maison Commune.