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les autres passages signalés par M. Philippe Salmon, je dirais qu’il me paraît difficile d’admettre une communication entre l’Espagne et l’Amérique pendant les temps quaternaires. Aux arguments invoqués par M. de Mortillet, j’en ajouterai un, qui, pour n’être pas nouveau, n’en a pas moins une valeur. Vous savez que Darwin, Lyell, Hausmann, Ch. Martins, ont signalé à Madère l’existence de blocs erratiques d’origine septentrionale. Or, ces roches n’ont pu être transportées là que par les glaces flottantes. Par conséquent, il faut en conclure qu’à l’époque du boulder clay la mer était libre entre Madère et le point de l’Europe d’où sont partis les blocs ainsi charriés.

Ce n’est donc pas vers le Sud, je le répète, qu’il faut aller chercher le « Pont-Atlantique » qui a relié le Nouveau-Monde à l’Ancien. Comme le disait si justement Bailly, « les terres récemment couvertes sont des mers nouvelles qui ont peu de fond »[1] ; je vous ai rappelé qu’il existait de grandes profondeurs dans le voisinage des Canaries. Je sais bien qu’on a signalé un plateau sous-marin recouvert en certains points de 50 à 200 mètres d’eau seulement et qui commence à l’est, en face de l’Espagne. Après s’être dirigé au sud-ouest, cet immense banc se divise en deux caps qui s’avancent l’un vers les Antilles et l’autre vers les États-Unis. Mais ce qu’on oublie de dire c’est qu’entre ce plateau sous-marin et les continents on trouve de grands fonds qui atteignent 5,000 mètres du côté de l’Europe et au moins 4,000 mètres du côté de l’Amérique. D’autre part, s’il a existé un continent dans cette région, il a disparu avant la période glaciaire, ainsi que le démontre la présence de blocs erratiques à Madère. Je ne puis donc croire, comme M. Salmon, qu’une communication ait persisté, à la hauteur de l’Europe Méridionale, entre l’Europe et l’Amérique, jusqu’à la fin de l’époque magdalénienne et que l’Atlantide « soit restée soudée à la Péninsule Ibérique jusqu’au moment où le renne nous a quittés. »

Si l’existence de grands plateaux sous-marins, situés à une faible profondeur, peut être regardée comme une preuve d’ancienne communication entre les Deux-Mondes, il serait facile de retrouver la trace de cet « intercontinent » dans les régions septentrionales. En effet, nous voyons, dans ces parages, un vaste

  1. Bailly, Lettres sur l’Atlantide de Platon et l’ancienne histoire de l’Asie, p. 98.