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LES ANGLAIS AU POLE NORD

Simpson, le harponneur, s’en empara et le rapporta à son propriétaire.

« Un vilain gibier, monsieur Clawbonny, dit-il.

— Qui fera un excellent repas, au contraire, mon ami !

— Quoi ! vous allez manger cela ?

— Et vous en goûterez, mon brave, fit le docteur en riant.

— Pouah ! répliqua Simpson ; mais c’est huileux et rance comme tous les oiseaux de mer.

— Bon ! répliqua le docteur ; j’ai une manière à moi d’accommoder ce gibier-là, et, si vous le reconnaissez après pour un oiseau de mer, je consens à ne plus en tuer un seul de ma vie.

— Vous êtes donc cuisinier, monsieur Clawbonny ? demanda Johnson.

— Un savant doit savoir un peu de tout.

— Alors, défie-toi, Simpson, répondit le maître d’équipage ; le docteur est un habile homme, et il va nous faire prendre ce puffin pour une groose[1] du meilleur goût. »

Le fait est que le docteur eut complètement raison de son volatile ; il enleva habilement la graisse qui est située tout entière sous la peau, principalement sur les hanches, et avec elle disparut cette rancidité et cette odeur de poisson dont on a parfaitement le droit de se plaindre dans un oiseau. Ainsi préparé, le puffin fut déclaré excellent, et par Simpson lui-même.

Pendant le dernier ouragan, Richard Shandon s’était rendu compte des qualités de son équipage ; il avait analysé ses hommes un à un, comme doit le faire tout commandant qui veut parer aux dangers de l’avenir ; il savait sur quoi compter.

James Wall, officier tout dévoué à Richard, comprenait bien, exécutait bien, mais il pouvait manquer d’initiative ; au troisième rang, il se trouvait à sa place.

Johnson, rompu aux luttes de la mer, et vieux routier de l’océan Arctique, n’avait rien à apprendre en fait de sang-froid et d’audace.

  1. Sorte de perdrix.