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AVENTURES DU CAPITAINE HATTERAS

franchir ; chacun alors s’attelait ou s’accotait au véhicule, le tirant, le poussant, ou le soutenant ; plus d’une fois, on dut le décharger entièrement, et cela ne suffisait pas à prévenir des chocs, et par conséquent des avaries, que Bell réparait de son mieux.

Le troisième jour, le mercredi, 26 juin, les voyageurs rencontrèrent un lac de plusieurs acres d’étendue, et encore entièrement glacé par suite de son orientation à l’abri du soleil ; la glace était même assez forte pour supporter le poids des voyageurs et du traîneau. Cette glace paraissait dater d’un hiver éloigné, car ce lac ne devait jamais dégeler, par suite de sa position ; c’était un miroir compacte sur lequel les étés arctiques n’avaient aucune prise ; ce qui semblait confirmer cette observation, c’est que ses bords étaient entourés d’une neige sèche, dont les couches inférieures appartenaient certainement aux années précédentes.

À partir de ce moment, le pays s’abaissa sensiblement, d’où le docteur conclut qu’il ne pouvait avoir une grande étendue vers le nord ; d’ailleurs, il était très-vraisemblable que la Nouvelle-Amérique n’était qu’une île et ne se développait pas jusqu’au pôle. Le sol s’aplanissait peu à peu ; à peine dans l’ouest quelques collines nivelées par l’éloignement et baignées dans une brume bleuâtre.

Jusque-là, l’expédition se faisait sans fatigue ; les voyageurs ne souffraient que de la réverbération des rayons solaires sur les neiges ; cette réflexion intense pouvait leur donner des snow-blindness[1] impossibles à éviter. En tout autre temps,

  1. Maladie des paupières occasionnée par la réverbération des neiges.