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AVENTURES DU CAPITAINE HATTERAS

dire qu’ils ne trouveraient à bord ni vin, ni bière, ni spiritueux, si ce n’est dans le cas de maladie, et par ordonnance du docteur.

Or, depuis une heure, la conversation roulait sur le départ. Si les instructions du capitaine se réalisaient jusqu’au bout, Shandon devait le lendemain même recevoir une lettre renfermant ses derniers ordres.

« Si cette lettre, disait le commandant, ne m’indique pas le nom du capitaine, elle doit au moins nous apprendre la destination du bâtiment. Sans cela, où le diriger ?

— Ma foi, répondait l’impatient docteur, à votre place, Shandon, je partirais même sans lettre ; elle saurait bien courir après nous, je vous en réponds.

— Vous ne doutez de rien, docteur ! Mais vers quel point du globe feriez-vous voile, s’il vous plaît ?

— Vers le pôle Nord, évidemment ! cela va sans dire, il n’y a pas de doute possible.

— Pas de doute possible ! répliqua Wall ; et pourquoi pas vers le pôle Sud ?

— Le pôle Sud, s’écria le docteur, jamais ! Est-ce que le capitaine aurait eu l’idée d’exposer un brick à la traversée de tout l’Atlantique ! Prenez donc la peine d’y réfléchir, mon cher Wall.

— Le docteur a réponse à tout, répondit ce dernier.

— Va pour le Nord, reprit Shandon. Mais, dites-moi, docteur, est-ce au Spitzberg ? est-ce au Groënland ? est-ce au Labrador ? est-ce à la baie d’Hudson ? Si les routes aboutissent toutes au même but, c’est-à-dire à la banquise infranchissable, elles n’en sont pas moins nombreuses, et je serais fort embarrassé de me décider pour l’une ou pour l’autre. Avez-vous une réponse catégorique à me faire, docteur ?

— Non, répondit celui-ci, vexé de n’avoir rien à dire ; mais enfin, pour conclure, si vous ne recevez pas de lettre, que ferez-vous ?

— Je ne ferai rien ; j’attendrai.

— Vous ne partirez pas ? s’écria Clawbonny, en agitant son verre avec désespoir.

— Non, certes.

— C’est le plus sage, répondit doucement maître Johnson, tandis que le docteur se promenait autour de la table, car il ne pouvait tenir en place. Oui, c’est le plus sage, et cependant une trop longue attente peut avoir des conséquences fâcheuses : d’abord, la saison est bonne, et si nord il y a, nous