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AVENTURES DU CAPITAINE HATTERAS

Le loup de ces contrées est très-proche parent du chien ; comme lui, il aboie, et souvent de façon à tromper les oreilles les plus exercées, celles de la race canine, par exemple ; on dit même que ces animaux emploient cette ruse pour attirer les chiens et les dévorer. Ce fait fut observé sur les terres de la baie d’Hudson, et le docteur put le constater à la Nouvelle-Amérique ; Johnson eut soin de ne pas laisser courir ses chiens d’attelage, qui auraient pu se laisser prendre à ce piège.

Quant à Duk, il en avait vu bien d’autres, et il était trop fin pour aller se jeter dans la gueule du loup.

On chassa beaucoup pendant une quinzaine de jours ; les provisions de viandes fraîches furent abondantes ; on tua des perdrix, des ptarmigans et des ortolans de neige, qui offraient une alimentation délicieuse. Les chasseurs ne s’éloignaient pas du Fort-Providence. On peut dire que le menu gibier venait de lui-même au-devant du coup de fusil ; il animait singulièrement par sa présence ces plages silencieuses, et la baie Victoria prenait un aspect inaccoutumé qui réjouissait les yeux.

Les quinze jours qui suivirent la grande affaire des ours furent remplis par ces diverses occupations. Le dégel fit des progrès visibles ; le thermomètre remonta à trente-deux degrés au-dessus de zéro (0° centig.) ; les torrents commencèrent à mugir dans les ravines, et des milliers de cataractes s’improvisèrent sur le penchant des coteaux.

Le docteur, après avoir déblayé une acre de terrain, y sema des graines de cresson, d’oseille et de cochléaria, dont l’influence antiscorbutique est excellente ; il voyait déjà sortir de terre de petites feuilles verdoyantes, quand tout d’un coup, et avec une inconcevable rapidité, le froid reparut en maître dans son empire.