d’aller loin, car des traces nombreuses se montrèrent à moins de deux milles du fort ; de là, elles descendaient jusqu’au rivage de la baie Victoria, et paraissaient enlacer le Fort-Providence de leurs cercles concentriques.
Après avoir suivi ces piétinements avec curiosité, les chasseurs se regardèrent.
« Eh bien ! dit le docteur, cela me semble clair.
— Trop clair, répondit Bell ; ce sont des traces d’ours.
— Un excellent gibier, répondit Altamont, mais qui me paraît pécher aujourd’hui par une qualité.
— Laquelle ? demanda le docteur.
— L’abondance, répondit l’Américain.
— Que voulez-vous dire ? reprit Bell.
— Je veux dire qu’il y a là les traces de cinq ours parfaitement distinctes, et cinq ours, c’est beaucoup pour cinq hommes !
— Êtes-vous certain de ce que vous avancez ? dit le docteur.
— Voyez et jugez par vous-même : voici une empreinte qui ne ressemble pas à cette autre ; les griffes de celles-ci sont plus écartées que les griffes de celles-là. Voici les pas d’un ours plus petit. Comparez bien, et vous trouverez dans un cercle restreint les traces de cinq animaux.
— C’est évident, dit Bell, après avoir examiné attentivement.
— Alors, fit le docteur, il ne faut pas faire de la bravoure inutile, mais au contraire se tenir sur ses gardes ; ces animaux sont très-affamés à la fin d’un hiver rigoureux ; ils peuvent être extrêmement dangereux ; et puisqu’il n’est plus possible de douter de leur nombre…
— Ni même de leurs intentions, répliqua l’Américain.
— Vous croyez, dit Bell, qu’ils ont découvert notre présence sur cette côte ?
— Sans doute, à moins que nous ne soyons tombés dans une passée d’ours ; mais alors pourquoi ces empreintes s’étendent-elles circulairement, au lieu de s’éloigner à perte de vue ? Tenez ! ces animaux-là sont venus du sud-est, ils se sont arrêtés à cette place, et ils ont commencé ici la reconnaissance du terrain.
— Vous avez raison, dit le docteur ; il est même certain qu’ils sont venus cette nuit.
— Et sans doute les autres nuits, répondit Altamont ; seulement, la neige a recouvert leurs traces.
— Non, répondit le docteur, il est plus probable que ces ours ont attendu la fin de la tempête ; poussés par le besoin, ils ont gagné du côté de la baie, dans