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AVENTURES DU CAPITAINE HATTERAS

côtelettes de morse. À neuf heures du soir, les cinq convives s’attablaient devant un souper réconfortant.

« Ma foi, dit Bell, au risque de passer pour un Esquimau, j’avouerai que le repas est la grande chose d’un hivernage ; quand on est parvenu à l’attraper, il ne faut pas bouder devant ! »

Chacun des convives, ayant la bouche pleine, ne put répondre immédiatement au charpentier ; mais le docteur lui fit signe qu’il avait bien raison.

Les côtelettes de morse furent déclarées excellentes, ou, si on ne le déclara pas, on les dévora jusqu’à la dernière, ce qui valait toutes les déclarations du monde.

Au dessert, le docteur prépara le café, suivant son habitude ; il ne laissait à personne le soin de distiller cet excellent breuvage ; il le faisait sur la table, dans une cafetière à esprit-de-vin, et le servait bouillant. Pour son compte, il fallait qu’il lui brûlât la langue, ou il le trouvait indigne de passer par son gosier. Ce soir-là il l’absorba à une température si élevée, que ses compagnons ne purent l’imiter.

« Mais vous allez vous incendier, docteur, lui dit Altamont.

— Jamais, répondit-il.

— Vous avez donc le palais doublé en cuivre ? répliqua Johnson.

— Point, mes amis ; je vous engage à prendre exemple sur moi. Il y a des personnes, et je suis du nombre, qui boivent le café à la température de cent trente et un degrés (+55° cent.).

— Cent trente et un degrés ! s’écria Altamont ; mais la main ne supporterait pas une pareille chaleur !

— Évidemment, Altamont, puisque la main ne peut pas endurer plus de cent vingt-deux degrés (+50° cent.) dans l’eau ; mais le palais et la langue sont moins sensibles que la main, et ils résistent là où celles-ci ne pourraient y tenir.

— Vous m’étonnez, dit Altamont.