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AVENTURES DU CAPITAINE HATTERAS

Au bruit de la détonation, le docteur accourut ; il comprit tout. Il vit l’animal s’enfuir tranquillement ; Johnson se désespérait et ne pensait plus à ses souffrances.

« Je suis une véritable femmelette ! s’écriait-il, un enfant qui ne sait pas supporter une douleur ! Moi ! moi ! à mon âge !

— Voyons, rentrez, Johnson, lui dit le docteur, vous allez vous faire geler ; tenez, vos mains sont déjà blanches ; venez ! venez !

— Je suis indigne de vos soins, monsieur Clawbonny ! répondait le maître d’équipage. Laissez-moi !

— Mais venez donc, entêté ! venez donc ! il sera bientôt trop tard ! »

Et le docteur, entraînant le vieux marin sous la tente, lui fit mettre les deux mains dans une jatte d’eau que la chaleur du poêle avait maintenue liquide, quoique froide ; mais à peine les mains de Johnson y furent-elles plongées que l’eau se congela immédiatement à leur contact.

« Vous le voyez, dit le docteur, il était temps de rentrer, sans quoi j’aurais été obligé d’en venir à l’amputation. »

Grâce à ses soins, tout danger disparut au bout d’une heure, mais non sans peine, et il fallut des frictions réitérées pour rappeler la circulation du sang dans les doigts du vieux marin. Le docteur lui recommanda surtout d’éloigner ses mains du poêle, dont la chaleur eût amené de graves accidents.

Ce matin-là, on dut se priver de déjeuner ; du pemmican, de la viande salée, il ne restait rien. Pas une miette de biscuit ; à peine une demi-livre de café ; il fallut se contenter de cette boisson brûlante, et on se remit en marche.

« Plus de ressources ! dit Bell à Johnson, avec un indicible accent de désespoir.

— Ayons confiance en Dieu, dit le vieux marin ; il est tout-puissant pour nous sauver !