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AVENTURES DU CAPITAINE HATTERAS

il redevint maître de lui-même, et la petite troupe, par un temps très-sec, s’enfonça dans la brume du nord-nord-ouest.

Chacun reprit sa place accoutumée, Bell en tête, indiquant la route, le docteur et le maître d’équipage aux côtés du traîneau, veillant et poussant au besoin, Hatteras à l’arrière, rectifiant la route et maintenant l’équipage dans la ligne de Bell.

La marche fut assez rapide ; par cette température très-basse, la glace offrait une dureté et un poli favorables au glissage ; les cinq chiens enlevaient facilement cette charge, qui ne dépassait pas neuf cents livres. Cependant hommes et bêtes s’essoufflaient rapidement et durent s’arrêter souvent pour reprendre haleine.

Vers les sept heures du soir, la lune dégagea son disque rougeâtre des brumes de l’horizon. Ses calmes rayons se firent jour à travers l’atmosphère et jetèrent quelque éclat que les glaces réfléchirent avec pureté ; l’ice-field présentait vers le nord-ouest une immense plaine blanche d’une horizontalité parfaite. Pas un pack, pas un hummock. Cette partie de la mer semblait s’être glacée tranquillement comme un lac paisible.

C’était un immense désert, plat et monotone.

Telle est l’impression que ce spectacle fit naître dans l’esprit du docteur, et il la communiqua à son compagnon.

« Vous avez raison, monsieur Clawbonny, répondit Johnson ; c’est un désert, mais nous n’avons pas la crainte d’y mourir de soif !

— Avantage évident, reprit le docteur ; cependant cette immensité me prouve une chose : c’est que nous devons être fort éloignés de toute terre ; en général,