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LE DÉSERT DE GLACE

— Après ? dit le docteur.

— À la grâce de Dieu ! » répondit le brave marin.

Cet inventaire terminé, le docteur et Johnson revinrent chercher le traîneau ; ils y attelèrent, bon gré, mal gré, les pauvres chiens fatigués, retournèrent sur le théâtre de l’explosion, chargèrent ces restes de la cargaison si rares, mais si précieux, et les rapportèrent auprès de la maison de glace ; puis, à demi gelés, ils prirent place auprès de leurs compagnons d’infortune.


CHAPITRE II. — LES PREMIÈRES PAROLES D’ALTAMONT.

Vers les huit heures du soir, le ciel se dégagea pendant quelques instants de ses brumes neigeuses ; les constellations brillèrent d’un vif éclat dans une atmosphère plus refroidie.

Hatteras profita de ce changement pour aller prendre la hauteur de quelques étoiles. Il sortit sans mot dire, en emportant ses instruments. Il voulait relever la position et savoir si l’ice-field n’avait pas encore dérivé.

Au bout d’une demi-heure, il rentra, se coucha dans un angle de la maison, et resta plongé dans une immobilité profonde qui ne devait pas être celle du sommeil.

Le lendemain, la neige se reprit à tomber avec une grande abondance ; le docteur dut se féliciter d’avoir entrepris ses recherches dès la veille, car un vaste rideau blanc recouvrit bientôt le champ de glace, et toute trace de l’explosion disparut sous un linceul de trois pieds d’épaisseur.

Pendant cette journée, il ne fut pas possible de mettre le pied dehors ; heureusement, l’habitation était confortable, ou tout au moins paraissait telle à ces voyageurs harassés. Le petit poêle allait bien, si ce n’est par de violentes rafales qui repoussaient parfois la fumée à l’intérieur ; sa chaleur procurait en outre des boissons brûlantes de thé ou de café, dont l’influence est si merveilleuse par ces basses températures.

Les naufragés, car on peut véritablement leur donner ce nom, éprouvaient un bien-être auquel ils n’étaient plus accoutumés depuis longtemps ; aussi ne songeaient-ils qu’à ce présent, à cette bienfaisante chaleur, à ce repos momentané, oubliant et défiant presque l’avenir, qui les menaçait d’une mort si prochaine.

L’Américain souffrait moins et revenait peu à peu à la vie ; il ouvrait les yeux,