Page:Verne - Voyages et aventures du capitaine Hatteras.djvu/195

Cette page a été validée par deux contributeurs.
185
LES ANGLAIS AU POLE NORD

avec bruit ; d’ailleurs, en prévision de l’événement, Hatteras les avait fait assujettir.

Les jours suivants furent encore plus froids ; le ciel se couvrit d’un brouillard pénétrant ; le vent enlevait la neige amoncelée ; il devenait difficile de voir si ces tourbillons prenaient naissance dans le ciel ou sur les ice-fields ; c’était une confusion inexprimable.

L’équipage s’occupait de divers travaux à l’intérieur, dont le principal consistait à préparer la graisse et l’huile produites par les phoques ; elles se convertissaient en blocs de glace qu’il fallait travailler à la hache ; on concassait cette glace en morceaux, dont la dureté égalait celle du marbre ; on en recueillit ainsi la valeur d’une dizaine de barils. Comme on le voit, toute espèce de vase devenait inutile ; d’ailleurs ils se seraient brisés sous l’effort du liquide que la température transformait.

Le 28, le thermomètre descendit à trente-deux degrés au dessous de zéro (−36° centig.) ; il n’y avait plus que pour dix jours de charbon, et chacun voyait arriver avec effroi le moment où ce combustible viendrait à manquer.

Hatteras, par mesure d’économie, fit éteindre le poêle de la dunette, et, dès lors, Shandon, le docteur et lui durent partager la salle commune de l’équipage, Hatteras fut donc plus constamment en rapport avec ses hommes, qui jetaient sur lui des regards hébétés et farouches. Il entendait leurs récriminations, leurs reproches, leurs menaces même, et ne pouvait les punir. Du reste, il semblait sourd à toute observation. Il ne réclamait pas la place la plus rapprochée du feu. Il restait dans un coin, les bras croisés, sans mot dire.