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LES ANGLAIS AU POLE NORD

n’était pas faite de tôle, comme celle des autres bâtiments à vapeur. À cela, on répondait que l’ingénieur mystérieux avait ses raisons pour agir ainsi.

Peu à peu, le brick prit figure sur le chantier, et ses qualités de force et de finesse frappèrent les connaisseurs. Ainsi que l’avaient remarqué les matelots du Nautilus, son étrave faisait un angle droit avec la quille ; elle était revêtue, non d’un éperon, mais d’un tranchant d’acier fondu dans les ateliers de R. Hawthorn, de Newcastle. Cette proue de métal, resplendissant au soleil, donnait un air particulier au brick, bien qu’il n’eût rien d’absolument militaire. Cependant un canon du calibre de 16 fut installé sur le gaillard d’avant ; monté sur pivot, il pouvait être facilement pointé dans toutes les directions ; il faut ajouter qu’il en était du canon comme de l’étrave ; ils avaient beau faire tous les deux, ils n’avaient rien de positivement guerrier.

Le 5 février 1860, l’étrange navire fut lancé au milieu d’un immense concours de spectateurs, et sa mise à l’eau réussit parfaitement.

Mais si le brick n’était pas un navire de guerre, ni un bâtiment de commerce, ni un yacht de plaisance, car on ne fait pas de promenades avec six ans d’approvisionnement dans sa cale, qu’était-ce donc ?

Un navire destiné à la recherche de l’Erebus et du Terror, et de sir John Franklin ? Pas davantage, car en 1859, l’année précédente, le commandant Mac Clintock était revenu des mers arctiques, rapportant la preuve certaine de la perte de cette malheureuse expédition.

Le Forward voulait-il donc tenter encore le fameux passage du Nord-Ouest ?