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LES ANGLAIS AU POLE NORD

ricain, couvert de neiges ; ils se refroidissent à son contact et couvrent alors les régions hyperboréennes de leur glaciale âpreté.

Hatteras se trouvait au pôle du froid, au delà des contrées entrevues par ses devanciers ; il s’attendit donc à un hiver terrible, sur un navire perdu au milieu des glaces, avec un équipage à demi révolté. Il résolut de combattre ces dangers divers avec son énergie habituelle. Il regarda sa situation en face et ne baissa pas les yeux.

Il commença par prendre, avec l’aide et l’expérience de Johnson, toutes les mesures nécessaires à son hivernage. D’après son calcul, le Forward avait été entraîné à deux cent cinquante milles de la dernière terre connue, c’est-à-dire le Nouveau-Cornouailles ; il était étreint dans un champ de glace comme dans un lit de granit, et nulle puissance humaine ne pouvait l’en arracher.

Il n’existait plus une goutte d’eau libre dans ces vastes mers frappées par l’hiver arctique. Les ice-fields se déroulaient à perte de vue, mais sans offrir une surface unie. Loin de là. De nombreux ice-bergs hérissaient la plaine glacée, et le Forward se trouvait abrité par les plus hauts d’entre eux sur trois points du compas ; le vent du sud-est seul soufflait jusqu’à lui. Que l’on suppose des rochers au lieu de glaçons, de la verdure au lieu de neige, et la mer reprenant son état liquide, le brick eût été tranquillement à l’ancre dans une jolie baie et à l’abri des coups de vent les plus redoutables. Mais quelle désolation sous cette latitude ! quelle nature attristante ! quelle lamentable contemplation !

Le navire, quelque immobile qu’il fût, dut être néanmoins assujetti fortement au moyen de ses ancres ; il fallait redouter les débâcles possibles ou les soulè-