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AVENTURES DU CAPITAINE HATTERAS

munication entre le traîneau et la côte ; trois objets furent transportés au moyen de cette corde ; mais à une quatrième tentative, nous sentîmes notre glaçon se mettre en mouvement ; M. Bellot cria à ses compagnons de lâcher la corde, et nous fûmes entraînés, le lieutenant, David Hook et moi, à une grande distance de la côte. En ce moment, le vent soufflait avec force du sud-est, et il neigeait. Mais nous ne courions pas encore de grands dangers, et il pouvait bien en revenir, puisque nous en sommes revenus, nous autres ! »

Johnson s’interrompit un instant en considérant cette côte fatale, puis il reprit :

« Après avoir perdu de vue nos compagnons, nous essayâmes d’abord de nous abriter sous la tente de notre traîneau, mais en vain ; alors, avec nos couteaux nous commençâmes à nous tailler une maison dans la glace. M. Bellot s’assit une demi-heure et s’entretint avec nous sur le danger de notre situation ; je lui dis que je n’avais pas peur. « Avec la protection de Dieu, nous répondit-il, pas un cheveu ne tombera de notre tête. » Je lui demandai alors quelle heure il était ; il répondit : « Environ six heures et quart. » C’était six heures et quart du matin, le jeudi 18 août. Alors M. Bellot attacha ses livres et dit qu’il voulait aller voir comment la glace flottait ; il était parti depuis quatre minutes seulement, quand j’allai, pour le chercher, faire le tour du même glaçon sur lequel nous étions abrités ; mais je ne pus le voir, et, en retournant à notre retraite, j’aperçus son bâton du côté opposé d’une crevasse d’environ cinq toises de large où la glace était toute cassée. J’appelai alors, mais sans réponse. À cet instant, le vent soufflait très-fort. Je cherchai encore autour du glaçon, mais je ne pus découvrir aucune trace du pauvre lieutenant.

— Et que supposez-vous ? demanda le docteur, ému de ce récit.