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AVENTURES DU CAPITAINE HATTERAS

et 96° 46′ 4″ pour la longitude ; lorsque le docteur connut ces chiffres, il les rapporta à sa carte et vit qu’il se trouvait enfin au pôle magnétique, à l’endroit même où James Ross, le neveu de sir John, vint déterminer cette curieuse situation.

La terre était basse près de la côte et se relevait d’une soixantaine de pieds seulement, en s’écartant de la mer de la distance d’un mille.

La chaudière du Forward ayant besoin d’être nettoyée, le capitaine fit ancrer son navire à un champ de glace et permit au docteur d’aller à terre en compagnie du maître d’équipage. Pour lui, insensible à tout ce qui ne se rattachait pas à ses projets, il se renferma dans sa cabine, dévorant du regard la carte du pôle.

Le docteur et son compagnon parvinrent facilement à terre ; le premier portait un compas destiné à ses expériences ; il voulait contrôler les travaux de James Ross ; il découvrit aisément le monticule de pierres à chaux élevé par ce dernier ; il y courut ; une ouverture permettait d’apercevoir à l’intérieur la caisse d’étain dans laquelle James Ross déposa le procès-verbal de sa découverte. Pas un être vivant ne paraissait avoir visité depuis trente ans cette côte désolée.

En cet endroit, une aiguille aimantée, suspendue le plus délicatement possible, se plaçait aussitôt dans une position à peu près verticale sous l’influence magnétique ; le centre d’attraction se trouvait donc à une très-faible distance, sinon immédiatement au-dessous de l’aiguille.

Le docteur fit son expérience avec soin.

Mais si James Ross, à cause de l’imperfection de ses instruments, ne put trouver pour son aiguille verticale qu’une inclinaison de 89° 59′, c’est que le véritable point magnétique se trouvait réellement à une minute de cet endroit. Le docteur Clawbonny fut plus heureux, et, à quelque distance de là, il eut l’extrême satisfaction de voir son inclinaison de 90°.

« Voilà donc exactement le pôle magnétique du monde ! s’écria-t-il en frappant la terre du pied.

— C’est bien ici ? demanda maître Johnson.

— Ici même, mon ami.

— Alors, reprit le maître d’équipage, il faut abandonner toute supposition de montagne d’aimant ou de masse aimantée.

— Oui, mon brave Johnson, répondit le docteur en riant ; ce sont les hypothèses de la crédulité ! Comme vous le voyez, il n’y a pas la moindre montagne capable d’attirer les vaisseaux, de leur arracher leur fer, ancre par ancre, clou par clou, et vos souliers eux-mêmes sont aussi libres qu’en tout autre point du globe.

— Alors comment expliquer…