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AVENTURES DU CAPITAINE HATTERAS

ses chaînes ; on pouvait craindre que la montagne, arrachée de sa base sous les violences du vent d’ouest, ne s’en allât à la dérive avec le brick. Les officiers furent constamment sur le qui-vive et dans des appréhensions extrêmes ; aux trombes de neige se joignait une véritable grêle ramassée par l’ouragan sur la surface dégelée des bancs de glace ; c’étaient autant de flèches aiguës qui hérissaient l’atmosphère.

La température s’éleva singulièrement pendant cette nuit terrible ; le thermomètre marqua cinquante-sept degrés (+14° centig.), et le docteur, à son grand étonnement, crut surprendre dans le sud quelques éclairs suivis d’un tonnerre très-éloigné. Cela semblait corroborer le témoignage du baleinier Scoresby, qui observa un pareil phénomène au-delà du soixante-cinquième parallèle. Le capitaine Parry fut également témoin de cette singularité météorologique en 1821.

Vers les cinq heures du matin, le temps changea avec une rapidité surprenante ; la température retourna subitement au point de congélation, le vent passa au nord et se calma. On pouvait apercevoir l’ouverture occidentale du détroit, mais entièrement obstruée. Hatteras promenait un regard avide sur la côte, se demandant si le passage existait réellement.

Cependant le brick appareilla et se glissa lentement entre les ice-streams, tandis que les glaces s’écrasaient avec bruit sur son bordage ; les packs, à cette époque, mesuraient encore six à sept pieds d’épaisseur ; il fallait éviter leur pression avec soin, car, au cas où le navire y eût résisté, il aurait couru le risque d’être soulevé et jeté sur le flanc.

À midi, et pour la première fois, on put admirer un magnifique phénomène solaire, un halo avec deux parhélies ; le docteur l’observa et en prit les dimen-