Page:Verne - Voyage au centre de la Terre.djvu/96

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Ainsi se passa cette première nuit au fond du cratère.

Le lendemain, un ciel gris, nuageux, lourd, s’abaissa sur le sommet du cône. Je ne m’en aperçus pas tant à l’obscurité du gouffre qu’à la colère dont mon oncle fut pris.

J’en compris la raison, et un reste d’espoir me revint au cœur. Voici pourquoi.

Des trois routes ouvertes sous nos pas une seule avait été suivie par Saknussemm. Au dire du savant islandais, on devait la reconnaître à cette particularité signalée dans le cryptogramme, que l’ombre du Scartaris venait en caresser les bords pendant les derniers jours du mois de juin.

On pouvait en effet considérer ce pic aigu comme le style d’un immense cadran solaire, dont l’ombre à un jour donné marquait le chemin du centre du globe.

Or, si le soleil venait à manquer, pas d’ombre. Conséquemment, pas d’indication.

Nous étions au 25 juin. Que le ciel demeurât couvert pendant six jours, et il faudrait remettre l’observation à une autre année.

Je renonce à peindre l’impuissante colère du professeur Lidenbrock. La journée se passa, et aucune ombre ne vint s’allonger sur le fond du cratère. Hans ne bougea pas de sa place ; il devait pourtant se demander ce que nous attendions, s’il se demandait quelque chose ! Mon oncle ne m’adressa pas une seule fois la parole. Ses regards, invariablement tournés vers le ciel, se perdaient dans sa teinte grise et brumeuse.

Le 26, rien encore. Une pluie mêlée de neige tomba pendant toute la journée. Hans construisit une hutte avec des morceaux de lave. Je pris un certain plaisir à suivre de l’œil les milliers de cascades improvisées sur les flancs du cône, et dont chaque pierre accroissait l’assourdissant murmure.

Mon oncle ne se contenait plus. Il y avait de quoi irriter un homme plus patient, car c’était véritablement échouer au port.

Mais aux grandes douleurs le ciel mêle incessamment les grandes joies, et il réservait au professeur Lidenbrock une satisfaction égale à ses désespérants ennuis.

Le lendemain le ciel fut encore couvert ; mais le dimanche, 28 juin, l’antépénultième jour du mois, avec le changement de lune vint le changement de temps. Le soleil versa ses rayons à flots dans le cratère. Chaque monticule, chaque roc, chaque pierre, chaque aspérité eut part à sa lumineuse effluve et projeta instantanément son ombre sur le sol. Entre toutes, celle du Scartaris se