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et de la mer Rouge. Là se reproduisent et se développent ces éponges fines-douces dont la valeur s’élève jusqu’à cent cinquante francs, l’éponge blonde de Syrie, l’éponge dure de Barbarie, etc. Mais puisque je ne pouvais espérer d’étudier ces zoophytes dans les échelles du Levant, dont nous étions séparés par l’infranchissable isthme de Suez, je me contentai de les observer dans les eaux de la mer Rouge.

J’appelai donc Conseil près de moi, pendant que le Nautilus, par une profondeur moyenne de huit à neuf mètres, rasait lentement tous ces beaux rochers de la côte orientale.

Là croissaient des éponges de toutes formes, des éponges pédiculées, foliacées, globuleuses, digitées. Elles justifiaient assez exactement ces noms de corbeilles, de calices, de quenouilles, de cornes d’élan, de pied de lion, de queue de paon, de gant de Neptune, que leur ont attribués les pêcheurs, plus poètes que les savants. De leur tissu fibreux, enduit d’une substance gélatineuse à demi fluide, s’échappaient incessamment de petits filets d’eau, qui après avoir porté la vie dans chaque cellule, en étaient expulsés par un mouvement contractile. Cette substance disparaît après la mort du polype, et se putréfie en dégageant de l’ammoniaque. Il ne reste plus alors que ces fibres cornées ou gélatineuses dont se compose l’éponge domestique, qui prend une teinte roussâtre, et qui s’emploie à des usages divers, selon son degré d’élasticité, de perméabilité ou de résistance à la macération.

Ces polypiers adhéraient aux rochers, aux coquilles des mollusques et même aux tiges d’hydrophytes. Ils garnissaient les plus petites anfractuosités, les uns s’étalant, les autres se dressant ou pendant comme des excroissances coralligènes. J’appris à Conseil que ces éponges se pêchaient de deux manières, soit à la drague, soit à la main. Cette dernière méthode qui nécessite l’emploi des plongeurs, est préférable, car en respectant le tissu du polypier, elle lui laisse une valeur très-supérieure.

Les autres zoophytes qui pullulaient auprès des spongiaires, consistaient principalement en méduses d’une espèce très-élégante ; les mollusques étaient représentés par des variétés de calmars, qui, d’après d’Orbigny, sont spéciales à la mer Rouge, et les reptiles par des tortues virgata, appartenant au genre des chélonées, qui fournirent à notre table un mets sain et délicat.

Quant aux poissons, ils étaient nombreux et souvent remarquables. Voici ceux que les filets du Nautilus rapportaient plus fréquemment à bord : des raies, parmi lesquelles les limmes de forme ovale, de couleur brique, au corps semé d’inégales taches bleues et reconnaissables à leur double aiguillon dentelé, des arnacks au dos argenté, des pastenaques à