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recevant avec indifférence le clapotis des vagues. D’ailleurs, une pluie torrentielle vint à tomber, ce qui nous obligea de chercher un refuge sous le capot du grand salon. Cette averse eut pour effet d’apaiser le vent et la mer. Le ciel s’éclaircit dans l’ouest et les derniers gros nuages se fondirent à l’horizon opposé. À dix heures, l’ouragan nous jetait son dernier souffle.

À midi, le point put être fait avec une certaine exactitude ; il donnait :

Lat. 41° 50′ N.
Long. 61° 57′ W.
Course : 193 miles.

Cette diminution considérable dans le chemin parcouru ne devait être attribuée qu’à la tempête qui, pendant la nuit et la matinée, avait incessamment battu le navire, tempête si terrible qu’un des passagers — véritable habitant de cet Atlantique qu’il traversait pour la quarante-quatrième fois — n’en avait jamais vu de telle. L’ingénieur avoua même que, lors de cet ouragan pendant lequel le Great-Eastern resta trois jours dans le creux des lames, le navire n’avait pas été atteint avec cette violence. Mais, il faut le répéter, cet admirable steam-ship, s’il marche médiocrement, s’il roule trop, présente contre les fureurs de la mer une complète sécurité. Il résiste comme un bloc plein, et cette rigidité, il la doit à la parfaite homogénéité de sa construction, à sa double coque et au rivage merveilleux de son bordé. Sa résistance à l’arc est absolue.

Mais, répétons-le aussi, quelle que soit sa puissance, il ne faut pas l’opposer sans raison à une mer démontée. Si grand qu’il soit, si fort qu’on le suppose, un navire n’est pas « déshonoré » parce qu’il fuit devant la tempête. Un commandant ne doit jamais oublier que la vie d’un homme vaut plus qu’une satisfaction d’amour-propre. En tout cas, s’obstiner est dangereux, s’entêter est blâmable, et un exemple récent, une déplorable catastrophe survenue à l’un des paquebots transocéaniens, prouve qu’un capitaine ne doit pas lutter outre mesure contre la mer, même quand il sent sur ses talons le navire d’une compagnie rivale.


XXVI


Les pompes, cependant, continuaient d’épuiser ce lac qui s’était formé à l’intérieur du Great-Eastern, comme un lagon au milieu d’une île. Puissantes et rapidement manœuvrées par la vapeur, elles restituèrent à l’Atlantique ce qui lui appartenait. La pluie avait cessé ; le vent fraîchissait de nouveau ; le ciel, balayé par la tempête, était pur. Lorsque la nuit se fit, je restai pendant quelques heures à me promener sur le pont. Les salons jetaient de grands épanouissements de lumière par leurs écoutilles