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de trois russes et de trois anglais

obtenue par le calcul et par la mesure directe sur le sol, nous indiquera seule le degré de certitude qu’il convient d’attribuer à nos opérations géodésiques ! »

La proposition de Mathieu Strux fut adoptée sans conteste. Ce contrôle de toute la série des travaux trigonométriques depuis la première base était indispensable. Il fut donc convenu que l’on construirait vers l’est une suite de triangles auxiliaires jusqu’au moment où l’un des côtés de ces triangles pourrait être mesuré directement au moyen des règles de platine. La chaloupe à vapeur, descendant les affluents du Zambèse, devait aller attendre les astronomes au-dessous des célèbres chutes de Victoria.

Tout étant ainsi réglé, la petite troupe, dirigée par le bushman, moins quatre marins qui s’embarquèrent à bord de la Queen and Tzar, partit au soleil levant, le 6 mars. Des stations avaient été choisies dans la direction de l’ouest, des angles mesurés, et sur ce pays propice à l’établissement des mires, on pouvait espérer que le réseau auxiliaire s’obtiendrait aisément. Le bushman s’était emparé très adroitement d’un quagga, sorte de cheval sauvage, à crinière brune et blanche, au dos rougeâtre et zébré, et, bon gré mal gré, il en fit une bête de somme destinée à porter les quelques bagages de la caravane, le théodolite, les règles et les tréteaux destinés à mesurer le pays, qui avaient été sauvés avec la chaloupe.

Le voyage s’accomplit assez rapidement. Les travaux retardèrent peu les observateurs. Les triangles accessoires, d’une étendue médiocre, trouvaient facilement des points d’appui sur ce pays accidenté. Le temps était favorable, et il fut inutile de recourir aux observations nocturnes. Les voyageurs pouvaient presque incessamment s’abriter sous les longs bois qui hérissaient le sol. D’ailleurs la température se maintenait à un degré supportable, et sous l’influence de l’humidité, que les ruisseaux et les étangs entretenaient dans l’atmosphère, quelques vapeurs s’élevaient dans l’air et tamisaient les rayons du soleil.

De plus, la chasse fournissait à tous les besoins de la petite caravane. D’indigènes, il n’était pas question. Il était probable que les bandes pillardes erraient plus au sud du Ngami.

Quant aux rapports de Mathieu Strux et du colonel Everest, ils n’entraînaient plus aucune discussion. Il semblait que les rivalités personnelles fussent oubliées. Certes, il n’existait pas une réelle intimité entre ces deux savants, mais il ne fallait pas leur demander davantage.

Pendant vingt et un jours, du 6 au 27 mars, aucun incident digne d’être relaté ne se produisit. On cherchait avant tout une place convenable pour l’établissement de la base, mais le pays ne s’y prêtait pas. Pour cette