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aventures

gne, haute de cinq à six cents pieds, fut signalée dans le nord-ouest, à une distance de quinze milles environ. C’était le mont Scorzef.

Le bushman observa attentivement les localités, et après un examen assez long, étendant la main vers le nord :

« Le Ngami est là ! dit-il.

— Le Ngami ! le Ngami ! » crièrent les indigènes, accompagnant leurs cris de démonstrations bruyantes.

Les Bochjesmen voulaient se porter en avant, et franchir en courant les quinze milles qui les séparaient du lac. Mais le chasseur parvint à les retenir, leur faisant observer que dans ce pays infesté par les Makololos, il était très important pour eux de ne point se débander.

Cependant le colonel Everest, voulant hâter l’arrivée de sa petite troupe au Ngami, résolut de joindre directement la station qu’il occupait avec le Scorzef, par un seul triangle. Le sommet du mont, terminé par une sorte de pic très aigu, pouvait être visé très exactement, et se prêtait ainsi à une bonne observation. Il était dès lors inutile d’attendre la nuit, inutile, par conséquent, d’envoyer en avant un détachement de marins et d’indigènes pour fixer un réverbère au sommet du Scorzef.

Les instruments furent donc installés, et l’angle formant le sommet du dernier triangle déjà obtenu dans le sud fut de nouveau mesuré à cette station même pour plus de précision.

Mokoum, très impatient d’arriver aux rives du Ngami, n’avait fait établir qu’un campement provisoire. Il espérait bien, avant la nuit, avoir atteint le lac désiré ; mais il ne négligea aucune des précautions habituelles, et il fit battre les environs par quelques cavaliers. Sur la droite et sur la gauche s’élevaient des taillis qu’il était prudent d’éclairer. Cependant, depuis la chasse aux oryx, on n’avait vu aucune trace de Makololos, et l’espionnage dont la caravane avait été l’objet semblait avoir été abandonné. Néanmoins, le défiant bushman voulait être sur ses gardes, afin de parer à tout.

Tandis que le chasseur veillait ainsi, les astronomes s’occupaient de construire leur nouveau triangle. D’après les relevés faits par William Emery, ce triangle les porterait bien près du vingtième parallèle, auquel devait s’arrêter la pointe terminale de l’arc qu’ils étaient venus mesurer dans cette portion de l’Afrique. Encore quelques opérations au delà du Ngami, et très vraisemblablement le huitième tronçon de la méridienne serait obtenu. Puis, vérification faite des calculs au moyen d’une base nouvelle, directement mesurée sur le sol, la grande entreprise serait achevée. On comprend donc quelle ardeur soutenait ces audacieux, qui se voyaient sur le point d’achever leur œuvre.