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aventures

ses poings avec colère, ce Makololo était dans cette peau d’oryx, et c’est sur lui que vous avez tiré ! »

Sir John n’avait pas eu le temps d’exprimer sa surprise, que Mokoum, remarquant à cinq cents pas environ une certaine agitation entre les herbes, fit aussitôt feu dans cette direction. Puis, sir John et lui de courir à perdre haleine vers l’endroit suspect.

Mais la place était vide. On voyait au froissement des herbes qu’un être animé venait de passer là. Le Makololo avait disparu, et il fallait renoncer à le poursuivre à travers l’immense prairie qui s’étendait jusqu’aux limites de l’horizon.

Les deux chasseurs revinrent donc, fort inquiets de cet incident, qui devait, en effet, exciter leurs inquiétudes. La présence d’un Makololo au dolmen de la forêt incendiée, ce déguisement, très usité chez les chasseurs d’oryx, qui le cachait naguère, témoignait d’une véritable persistance à suivre à travers ces régions désertes la troupe du colonel Everest. Ce n’était pas sans motif qu’un indigène appartenant à la tribu pillarde des Makololos épiait ainsi les Européens et leur escorte. Et plus ceux-ci s’avançaient vers le nord, plus le danger s’accroissait d’être attaqués par ces voleurs du désert.

Sir John et Mokoum revinrent au campement et son Honneur, tout désappointé, ne put s’empêcher de dire à son ami William Emery :

« Vraiment, mon cher William, je n’ai pas de chance ! Pour le premier oryx que je tue, il était déjà mort avant que je ne l’eusse touché ! »



CHAPITRE XVII

les faiseurs de déserts.

Le bushman, après cet incident de la chasse aux oryx, eut une longue conversation avec le colonel Everest. Dans l’opinion de Mokoum, opinion basée sur des faits probants, la petite troupe était suivie, épiée, par conséquent menacée. Suivant lui, si les Makololos ne l’avaient pas attaquée encore, c’est qu’il leur convenait de l’attirer plus au nord, dans la contrée même que parcourent habituellement leurs hordes pillardes.

Fallait-il donc, en présence de ce danger, revenir sur ses pas ? Devait-on interrompre la série de ces travaux si remarquablement conduits jusqu’alors ? Ce que la nature n’avait pu faire, des indigènes africains le feraient-ils ? Empêcheraient-ils les savants anglais d’accomplir leur tâche scien-