Page:Verne - Une ville flottante, 1872.djvu/318

Cette page a été validée par deux contributeurs.
130
aventures

celle du cheval le plus rapide, que le célèbre Cumming, quand il chassait dans le pays des Namaquois, lors même qu’il montait des chevaux de grand fond, n’avait pas atteint, dans toute sa vie de chasseur, quatre de ces merveilleuses antilopes !

Il n’en fallait pas tant pour surexciter l’honorable Anglais, qui se déclara prêt à se lancer sur les traces des oryx. Il choisit son meilleur cheval, son meilleur fusil, ses meilleurs chiens, et, dans son impatience, précédant le patient bushman, il se dirigea vers la lisière d’un taillis confinant à une vaste plaine, et près duquel la présence des ruminants avait été signalée.

Après une heure de marche, les deux chevaux s’arrêtèrent. Mokoum, abrité derrière un bouquet de sycomores, montra à son compagnon la bande paissante qui se tenait au vent à quelques centaines de pas. Ces défiants animaux ne les avaient cependant point encore aperçus, et ils broutaient paisiblement l’herbe des pâturages. Toutefois, un de ces oryx semblait se tenir à l’écart. Le bushman le fit remarquer à sir John.

« C’est une sentinelle, lui dit-il. Cet animal, un vieux malin sans doute, veille au salut commun. Au moindre danger, il fera entendre une sorte de hennissement, et la troupe, lui en tête, décampera de toute la vigueur de jambes. Il faut donc ne le tirer qu’à bonne distance et l’abattre du premier coup. »

Sir John se contenta de répondre par un signe de tête affirmatif, et il se mit en bonne position pour observer ce troupeau.

Les oryx continuaient de brouter sans défiance. Leur gardien, auquel un remous de vent avait peut-être apporté quelques émanations suspectes, levait assez fréquemment son front cornu et montrait quelques symptômes d’agitation. Mais il était trop loin des chasseurs pour que ceux-ci pussent le tirer avec succès. Quant à forcer la bande à la course, sur cette vaste plaine qui lui offrait une piste favorable, il ne fallait pas y songer. Peut-être la troupe se rapprocherait-elle du taillis, et dans ce cas, sir John et le bushman pourraient viser l’un de ces oryx dans des conditions à peu près favorables.

Le hasard sembla devoir favoriser les chasseurs. Peu à peu, sous la direction du vieux mâle, les ruminants se rapprochèrent du bois. Sans doute, ils ne se croyaient pas en sûreté dans cette plaine découverte, et ils voulaient s’abriter sous l’épaisse ramure du taillis. Lorsque leur intention ne put être méconnue, le bushman invita son compagnon à mettre comme lui pied à terre. Les chevaux furent attachés au pied d’un sycomore, la tête enveloppée dans une couverture, précaution qui assurait à la fois leur mutisme et leur immobilité. Puis, les chiens suivant, Mokoum et sir John